Ce jeudi 20 juin, nous avons répondu à l’appel lancé aux associations handicap par les négociateurs Georges-Louis Bouchez (Mouvement Réformateur, MR) et Maxime Prévot (Les Engagé·es) après leur victoire aux élections régionales et fédérales.
Notre représentante, Isabelle Resplendino, est venue en tant que personne de terrain accompagnant la toute nouvelle Présidente de l’Association pour l’épanouissement des personnes autistes (APEPA asbl), Alice Suls (félicitations à elle, qui a déjà œuvré très efficacement depuis des années au poste de Vice-Présidente de cette association).
Conjointement, nous avions listé toutes nos revendications pour l’autisme. Vous pouvez télécharger le document ici (859 Ko). Il a été remis aux deux négociateurs et à leurs assistantes respectives.
Au début de l’entretien (qui a duré de 20h30 à 23h30 !), et pour la bonne organisation de la réunion, les négociateurs ont demandé aux participants de présenter, lors du tour de table, 2 points forts qu’il voulaient voir retenus dans la déclaration de politique générale des futurs gouvernements et qui n’étaient pas déjà évoqués dans les mémorandums qu’ils avaient envoyés. Aussi, si un participant exprimait une revendication, il fallait, pour les suivants, éviter de poser les mêmes pour prévenir la redondance et donc la perte de temps.
Voici ce que nous avons abordé lorsque notre tour est venu :
Alice Suls, APEPA : les faits et chiffres
- Refaire un Plan transversal autisme – et une Commission autisme en raison de la transversalité – refaire un rapport sur les recommandations de bonnes pratiques du KCE qui datent de 10 ans.
- Les chiffres : environ 40 000 personnes autistes en Belgique Francophone.
- Il naît environ 400 enfants autistes par an en Belgique francophone.
- Environ 1500 enfants sont sur liste d’attente pour un premier rendez-vous de diagnostic et le suivi.
- L’autisme doit faire partie de la formation de base des professionnels : médecins, pédiatres, psychiatres, crèches, enseignants (surtout de maternelle), psychologues, logopèdes, kinés, ergothérapeutes, etc.
- Former la 1ère ligne (Proxisanté) à la détection précoce de l’autisme pour qu’ils puissent orienter vers un centre de diagnostic, avant 6 ans.
- Créer des formations communes aux pratiques recommandées en autisme pour les parents et les professionnels avec les asbl spécialisées en autisme.
- Pérenniser LÉA, la Ligne Écoute Autisme en Wallonie, 0800 13 904 et bientôt Chatbox.
- Fixer un budget pluriannuel et une norme de croissance pour le budget wallon handicap. Le Plan de relance wallon (2021) a mis de côté le handicap depuis 3 ans : ce qui existe peut continuer, mais pas de politiques nouvelles, p.ex. 4 projets CRF (Centre de revalidation fonctionnelle) pour l’autisme ont été bloqués en 2022, 2023 et 2024. Il faut conscientiser tout le Gouvernement wallon.
- Lever le moratoire : 2000 personnes sur la « liste unique » en attente d’un lit ou d’une solution en Wallonie, dont 500 cas prioritaires.
- À renforcer : repérage, dépistage, diagnostic, interventions, solutions, places, répit, emploi (coaching), logement LEN, loisirs, sports… dans tous les domaines, durant toute la vie.
Maxime Prévot demande si le plan pour résorber les cas prioritaires qu’il avait lancé quand il était ministre en charge du handicap a été suivi. Alice Suls lui répond que c’est un cercle sans fin, chaque année des cas prioritaires s’ajoutent (vieillissement, crise covid, hausse de l’autisme, manque de budget).
Enfin, article de presse en main, elle a rappelé qu’une pétition ayant réuni 6000 signatures en 3 semaines en mars dernier a permis l’audition au Parlement wallon en avril de la maman qui en avait été à l’initiative. Cette dernière a alors fait le récit des carences en matière d’autisme. Alice Suls a cité les réactions des députées présentes, Mathilde Vandorpe (Les Engagé·es) : « Votre témoignage vient comme une claque. On doit avancer. » et Jacqueline Galant (MR) : « J’espère des actions concrètes. On sera là pour harceler le prochain gouvernement. »
Alice Suls et Isabelle Resplendino :
- Créer des pôles diagnostiques pluridisciplinaires avec des experts en libéral pour désengorger les 6 centres de référence en autisme.
- Que les associations handicap siègent dans toutes les instances les concernant (convention ONU).
Isabelle Resplendino, mère d’enfant autiste :
Évoque dans sa présentation le parcours scolaire réussi de son fils via les enseignements : spécialisé, puis inclusif (projet pilote débuté en 2010), enfin ordinaire, parcours brisé par la pandémie lors du passage au supérieur, son rebond de succès dans la formation pour adulte et, in fine, les discriminations subies dans sa recherche d’emploi en raison de son autisme : l’autisme fait peur. Il faut faire appel aux instances en charge de la lutte contre la discrimination pour obtenir son droit.
Les services publics sont censés employer un quota de 3% de personnes en situation de handicap. En progrès, ils arrivent péniblement à un taux de 1,4%, mis à part le SPF de la direction générale du handicap qui dépasse les 3%. (Une participante fera remarquer plus tard que 3%, ce n’est pas assez, et que le secteur privé ne devrait pas être exempté de ces quotas).
En tant qu’experte de terrain, Isabelle Resplendino (parente, représentante des associations à besoins spécifiques et fédérations de parents d’élèves au Conseil supérieur de l’enseignement aux élèves à besoins spécifiques (CSEEBS), responsable aux pouvoirs organisateurs d’écoles), a présenté les points suivants :
- De plus en plus d’élèves de l’enseignement spécialisé présentent des profils de trouble intellectuel sévère avec des troubles du comportement. Elle demande donc de revoir le nombre-guide d’éducateurs spécialisés et de personnel paramédical dans l’enseignement spécialisé pour augmenter significativement leurs périodes et de dégager une synergie avec le secteur médico-social en s’inspirant de l’avis N°160 du CSEEBS : Collaboration entre l’enseignement spécialisé et le secteur médico-social.
- Certaines écoles d’enseignement spécialisé à pédagogie adaptée à l’autisme à Bruxelles ont près de 200 enfants sur liste d’attente. Dans le fondamental, bien souvent les élèves ont une autre solution, mais inadaptée. En revanche, beaucoup moins de solutions pour les élèves du secondaire.
- De fait, nous allons droit dans un mur avec l’augmentation de la prévalence de l’autisme si nous n’agissons pas très vite en conséquence.
Georges-Louis Bouchez lui a demandé alors si la prévalence n’augmente pas parce que l’autisme est mieux diagnostiqué. [NDLR : mais les centres de diagnostic ont des listes d’attente très longues]. Isabelle Resplendino répond que c’est plutôt en raison de la piste à suivre des perturbateurs endocriniens (dont les P-FAS), des études à ce sujet ont été réalisées, et des cohortes sont en cours à l’heure actuelle.
Elle a aussi rebondi sur d’autres soucis évoqués auparavant par les participants :
- Depuis la réforme de l’intégration, les pôles territoriaux disposent de 2 périodes par semaine par élèves à besoins spécifiques au lieu de 4 précédemment. C’est insuffisant.
- Pour une école vraiment inclusive, il faudrait, à la base, une année d’orthopédagogie dans la formation initiale et continuée. Il faut que cette formation donne une reconnaissance pour ceux qui y investissent en temps et en finances. D’autre part, un enseignant ayant plus d’ancienneté va être nommé, si c’est son choix, dans une classe à pédagogie adaptée à la place d’un enseignant qualifié. Il faut changer cela, priorité doit être donnée aux compétences.
Nous concluons cet article en réaffirmant que nous répondrons bien évidemment favorablement aux invitations dans les groupes de travail qui requerront notre expertise.
Rappel : pour nos revendications complètes, vous pouvez télécharger le document ici (859 Ko).